Approcher la relation dans la vidéo-consultation psychologique

Cet article propose de répondre à certaines questions posées autour de la vidéo-consultation et de la relation qui se joue lors de ces entretiens à distance.

C’est quoi la consultation à distance ?

En France dans les années 60, la téléphonie dans le travail du psychologue a fait son apparition. Dans ce contexte, le professionnel n’est perçu qu’au travers d’une seule modalité sensorielle « la voix ». L’écoute au téléphone est depuis lors une pratique de nombreux psychologues dont les lignes d’écoute répondent au soutien dans un cadre professionnel comme dans un cadre personnel.

La consultation à distance est de plus en plus utilisée dans le monde, et encore plus depuis cette période de confinement où chacun à chercher à répondre à l’impossibilité de la présence physique pour communiquer.

D’un point de vue du « corps », le cerveau simule sans cesse les univers dans lesquels il se trouve. C’est sa principale activité de représentation : la simulation mentale (Berthoz, 2013). Il simule ce qu’il perçoit, ce qu’il voit, mais aussi ce qu’il ne perçoit pas, ce qu’il ne voit pas et parfois anticipe ce qu’il perçoit pour se préparer à une situation. Autrement dit, lorsque vous bougez, que vous ressentiez ou non que vous bougez, votre corps lui existe dans votre cerveau sous la forme de représentations mentales.

L’image corporelle que l’on a sur soi est différente entre l’écrit, la téléphonie et la vidéoconférence. La relation sera plus « incarnée » en utilisant la vidéoconsultation. Cet outil permet d’obtenir davantage de non verbal. Cela rajoute une dimension essentielle pour favoriser le développement d’une relation similaire à celle établie dans un entretien clinique classique : une relation intersubjective.

La relation en visioconsultation est-elle « virtuelle » ?

Sur le plan sensoriel, la visioconsultation mobilise la voix, notre canal auditif pour la réceptionner, et elle apporte une dimension visuelle de l’image des corps pendant l’entretien clinique.

La cyberpsychologie considère le cyberespace comme un espace psychologique, c’est-à-dire comme un espace transitionnel ou comme une simple extension du monde psychique individuel.

Dans la réalité virtuelle, on s’est aperçu que la personne qui fait l’expérience, n’est pas directement exposer à des situations réelles, mais le client est « immergé » dans cette expérience. Cela a été utilisé avec succès en cyberthérapie pour le traitement des troubles anxieux (Bouchard et al., 2003). De plus en plus de thérapie dans une approche cognitivo-comportementale utilise l’outil de la réalité virtuelle.

Cette immersion reviendrait à des capacités du systèmes d’isoler l’utilisateur du monde réel, de délivrer une information, riche, multisensorielle et cohérente. Cette notion d’immersion est intimement reliée à la notion d’interaction en temps réel avec un « environnement virtuel ».

On rapproche le sentiment de présence de l’utilisateur au moment présent avec l’expérience virtuelle en temps réel.  Des études ont rapporté que le sentiment de présence sera d’autant plus important que le niveau émotionnel est important.  L’espace virtuel d’internet permettrait donc d’accéder en visioconsultation à des interactions bien « réelles » sur le plan de la dynamique psychique des sujets en « présence ».

Cette notion d’immersion est également en lien avec la présence du thérapeute pour son client-patient. Dans l’alliance thérapeutique créée entre eux, cette présence demande de la part du thérapeute qu’il soit « immergé » dans chaque moment et qu’il mobilise sa pleine réceptivité, à la fois sur l’expérience du client-patient, et sur la résonnance dans son propre corps de cette expérience.

Quelles différences et ressemblances avec un entretien au cabinet ?

Le terme virtuel ne s’oppose pas au réel mais renvoie plutôt au registre symbolique et à la réalité psychique, dont il est question en visioconsultation. Le réseau internet libère les utilisateurs de certaines contraintes liées à la matière, à l’espace et au temps. L’immédiateté de l’échange informationnel, quelle que soit la distance séparant les corps, amène les technologies numériques à être perçues comme libératrices par rapport au réel.

L’alliance thérapeutique lors d’entretien clinique classique est définit par la combinaison de différentes positions adoptées par le thérapeute pour accompagner dans sa démarche de changement une personne en devenir. Ces positions prises par le thérapeute le sont dans une nécessaire « présence » à l’autre. Cette présence dans la relation n’est pas définit par une présence physique tout comme la communication n’est pas définit uniquement par les mots utilisés mais bien plus par tout le non verbal associé.

Une étude qualitative a été conduite auprès de thérapeutes expérimentés, qui prônent ou qui ont publié sur la notion de présence et son importance dans la psychothérapie. L’état de présence est décrit comme étant le fondement des conditions fondamentales de la relation thérapeutique selon Rogers : l’empathie, la congruence et le regard positif inconditionnel ; et en même temps comme étant la condition qui permet leur expression.

La présence thérapeutique est exposée ici comme l’ultime état de réceptivité à l’instant présent et de contact relationnel profond. Cela implique d’être avec plutôt que de faire quelque chose au client-patient. Il s’agit d’un état d’ouverture et de réceptivité à l’expérience d’avec lui, en douceur, sans jugement et avec compassion, tout le contraire du fait d’observer et de regarder le client-patient de l’extérieur ou même à l’intérieur de celui-ci.

Dans une recherche menée par Haddouk, Govindama, Marty (2013), les résultats ont validé l’hypothèse que l’entretien clinique est possible en vidéoconférence et comparable à la pratique classique.

D’autres recherches encore se sont intéressées au sentiment subjectif de présence lors de télépsychothérapie. Les résultats suggèrent que la dimension émotionnelle est présente lors des consultations téléphoniques. Malgré la distance qui sépare les corps, les émotios ressenties ne sont pas virtuelles mais bien réelles.

Quels sont les avantages et les inconvénients possibles ?

Nous retrouvons dans la revue de la littérature, des recherches qui comparent l’efficacité de suivis en face à face classique avec des suivis en vidéoconférence pour des patients. Ces recherches, avec pour certaines des données quantitatives, ont démontré l’équivalence de l’alliance thérapeutique en vidéoconférence et en face à face classique (Bouchard et al., 2004).

Des formes d’extériorisation de la pensée peuvent même apparaître. Ce processus est connu en Cyberpsychologie sous le terme de « désinhibition numérique » : les internautes disent des choses dans le cyberespace qu’ils ne diraient pas dans le monde physique (Suler, 2004). Non seulement les partenaires de la situation thérapeutique « osent »  davantage, mais ils partagent le sentiment d’un entremêlement d’avec l’autre.

La plus grande part de la communication passe par ce que l’on appelle le non verbal : l’intonation de la voix, les mimiques faciales, mais surtout les silences prennent une place de choix pour véhiculer notre message. La place du regard est très importante dans les entretiens classiques comme dans les entretiens en visioconsultation. Le regard est davantage investi dans la visioconsultation et notamment du fait de l’option-miroir. Le sentiment de présence peut parfois être renforcé dans une relation à distance si la cadre est adapté.

Il est très important de pouvoir respecter les règles fondatrices de l’entretien clinique est donc de pouvoir veiller à la sécurité des données lors des entretiens. C’est pour cela qu’il est important de choisir des plateformes de vidéoconsultation assurant cette sécurité, de veiller à obtenir par exemple un mot de passe pour intégrer l’espace de l’entretien.

Références bibliographiques

Nasielski Salomon, « Gestion de la relation thérapeutique : entre alliance et distance », dans Cairn.info, 2012/4, N°144, PP 12-40

Haddouk, Lise, « L’entretien clinique à distance en visioconsultation », Le Journal des psychologues, 2017/8 (n° 350), p. 38-42

Haddouk, Lise, « Intersubjectivité et visioconsultation », Cliniques méditerranéennes, 2014/2 (n° 90), p. 185-200.

Tordo, Frédéric, Le Moi-Cyborg. Psychanalyse et neurosciences de l‘homme connecté. Edition Dunod, Paris, 2019.

Shari, Geller, Leslie, M. Greenberg, LA PRÉSENCE THÉRAPEUTIQUE L’expérience de la présence vécue par des thérapeutes dans la rencontre psychothérapeutique  « Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche », dans Cairn.info, 2005/1 n° 1, PP 45 à 66